Terminus radieux, Antoine Volodine

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RESUME :

Des siècles après la fin de l’Homme rouge, dans une Sibérie rendue inhabitable par les accidents nucléaires, des morts-vivants, des princesses et des corbeaux s’obstinent à poursuivre le rêve soviétique.

MON AVIS :

Une Sibérie post-révolutionnaire, des âmes en peine qui errent, une misère sociale qui n’est égalée que par les conséquences d’accidents nucléaires, voilà un mélange d’éléments qui ne m’attirent absolument pas en temps normal. Dès lors, j’étais partie pour passer à côté de Terminus radieux. Cependant, à force de voir des personnes aux goûts différents vanter les mérites de ce livre, j’ai été intriguée et lorsque je l’ai croisé à la bibliothèque, je me suis dit qu’après tout, ça ne me coûterait que 30 centimes de tenter le coup et de voir ce qui provoque l’admiration de tant de lecteurs. Et maintenant, je regrette de ne pas l’avoir plutôt acheté parce que je l’ai noyé sous les notes sur post-its que je ne pourrai malheureusement pas garder…

Quelques siècles après l’avènement – et la chute – de la Seconde Union soviétique, la Sibérie n’est plus qu’un champ de désolation nucléaire et ceux qui y habitent vivent entre vie et mort, rêve et cauchemar. Une personne, Kronauer, avance dans une zone qui, il le sait, lui sera fatale, accompagné de deux inconnus qui sont devenus ses amis, en quelque sorte. Alors que le manque d’eau se fait sentir, Kronauer décide de tenter de trouver du liquide précieux pour sauver l’un de ses compagnons, incapable de continuer à avancer. Il arrive ainsi au Terminus radieux et se retrouve sous la coupe de son président, Solovieï, homme animé par l’amour de la poésie et de ses trois filles. Kronauer arrivera-t-il à échapper à l’emprise surnaturelle de Solovieï ?

Voici une bien misérable tentative de résumer un livre qui va au-delà de l’histoire qu’il semble nous raconter. C’est que Volodine ne nous offre pas un roman mais une étrange expérience littéraire poétiquement envoûtante. Il faut accepter de se perdre dans celle-ci pour réussir à avancer et, ainsi, à être étonné par les diverses lignes narratives qui se croisent, se rejoignent et s’additionnent entre elles en créant de nouvelles dimensions se révélant petit à petit enivrantes.

Terminus radieux, c’est de prime abord l’histoire d’un homme qui ne sait pas s’il est mort ou vivant. Le doute l’habite et il n’a aucun moyen d’être fixé sur son état. Cet homme, Kronauer, sera notre porte d’entrée dans un univers qui semblera tantôt situé dans un futur très éloigné habité par des valeurs socialistes, tantôt dans une fable perdue entre rêve et cauchemar.

Terminus radieux, c’est ensuite l’histoire d’un lieu, un kolkhoze dans lequel atterrira Kronauer et dont l’existence semble inexplicable dans un monde qui se meurt pour sous l’impact des radiations nucélaires. Enfer sur terre, terreau des cauchemars de l’humanité ou unique oasis paradisiaque dans un univers dépérissant, difficile à dire, mais l’endroit fascine autant qu’il perturbe.

Terminus radieux, c’est également Solovieï, président du kolkhoze qui semble posséder des pouvoirs étranges. Ce père de trois filles tentatrices qu’on ne peut toucher arrive à se glisser dans l’esprit des gens pour leur faire vivre sa poésie. Ou plus…

Terminus radieux, c’est peut-être aussi ou surtout Hannko Vogoulian, femme qui deviendra peu à peu écrivain et qui nous interrogera sur notre rapport à Kronauer, au kolkhoze, à Solovieï et à Antoine Volodine.

Car Terminus radieux n’est pas qu’une histoire, c’est une interrogation constante sur la permanence de la réalité qui nous entoure et sur les limites et le pouvoir de l’esprit d’un écrivain. Et c’est très certainement en cela que ce livre dépasse le stade de récit poétiquement envoûtant pour devenir un objet littéraire non identifié qui marquera le lecteur l’ayant parcouru en entier.

Mais c’est encore Volodine qui parle le mieux de Terminus radieux quand il dit ceci dans ce livre : « Ses ouvrages étaient en principe distincts et elle leur donnait un titre après les avoir conclus, mais, bien que comportant des spécificités et ne reprenant pas les mêmes personnages, ils auraient pu aussi bien être regroupés en un seul volume interminable. Ils peignaient en effet la même souffrance crépusculaire de tous et de toutes, un quotidien magique mais sans espoir, la dégradation organique et politique, la résistance infinie mais non désirée à la mort, l’incertitude permanente sur la réalité, ou encore un cheminement carcéral de la pensée, carcéral, blessé et insane. » (p. 599) Difficile de faire un résumé plus pertinent que cette mise en abyme par l’auteur de son œuvre et de son dernier « roman »…

Terminus radieux, c’est donc un livre à la fois effrayant, déprimant, glauque et fascinant, une expérience onirico-poétique perdue entre délire et cauchemar. Il ne livrera pas toutes ses clés lors de la première lecture mais il laisse entrevoir un univers riche et complexe donnant envie non seulement de se replonger dedans mais également d’essayer de l’inscrire dans l’œuvre de son auteur.

 

Publié pour la première fois le 25 janvier 2015

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